Parcours de Pros : Melody Tovell

Parcours de Pros : Melody Tovell

Argo VFX donne la parole à des professionnels afin de vous faire découvrir les nombreux métiers liés à l’audiovisuel. Ce sont tous d’anciens étudiants dont j’ai croisé la route à un moment ou un autre.
Cette fois c’est Melody Tovell qui a accepté de se prêter au jeu.

Christophe Fernandez : Salut Melody. Quel âge as-tu ? Quelles fonctions occupes-tu aujourd’hui ? Ou quel métier exerces-tu ?
Melody Tovell : J’ai 30 ans et je suis Lead artiste environnement chez MPC Episodic, London. Je dirige une équipe d’artistes qui créent des environnements digitaux pour des épisodiques (séries en particulier). En fonction du projet, ça peut-être une extension de ce qui a été filmé sur le décor ou un environnement entièrement digital.
En tant que Lead, mon rôle est assez varié: je forme les nouveaux artistes, j’aide à fixer les problèmes techniques rencontrés, mais je m’assure aussi que la vision artistique est respectée et les feedback des superviseurs sont appliqués.
Une autre part de ce rôle consiste à planifier les tâches de chaque artiste et gérer les deadlines avec notre production pour équilibrer la charge de travail en fonction de l’expérience et des compétences de chacun ainsi que des besoin de la production. Étant donné que notre département est à la croisée de nombreuses disciplines, je rencontre régulièrement les leads des autres départements pour échanger sur les contraintes techniques de certaines séquences et discuter de certains changements.
Auparavant, j’ai travaillé pour MPC Film sur des productions comme Les Gardiens de la Galaxie, Le Livre de la Jungle, pour lequel nous avons reçu l’Oscar des meilleurs VFX, Alien Covenant ou encore Le Roi Lion. Pour ce-dernier, j’ai déménagé à Los Angeles pour être VAD (Virtual Art Department) set lead. Nous créions des décors en VR (réalité virtuelle) dans lesquels le réalisateur Jon Favreau et les superviseurs pouvaient se déplacer à l’aide de casques VR. Ils avaient la possibilité de bouger n’importe quel élément du set grâce aux manettes, puis filmer la prévisualisation du film grâce à une vraie camera reliée à la scène.
Pouvoir travailler directement avec le client, en utilisant des techniques jusque-là jamais utilisées à cette échelle était une opportunité très rare. Depuis, utiliser des techniques de réalité virtuelle pour la phase de prévisualisation est de plus en plus répandu.

CF : Quelles sont les principales différences entre cinéma et épisodique ?
MT :
Les films prennent généralement plus de temps, en particulier s’il y a beaucoup de séquences, ce qui permet de passer plus de temps à définir la vision artistique, les techniques utilisées et peaufiner les plans. Les équipes sont souvent plus grandes avec plus de départements impliqués. De son cote, le département épisodique a un rythme plus soutenu, habituellement avec des budgets plus restreints, ce qui veut dire que l’on fait des choix techniques différents. Ceci dit, ça dépend vraiment des projets car certaines séries demandent autant, si ce n’est plus que certains gros films.

CF : Quand as-tu su que tu voulais travailler dans ce milieu ? Tu étais plutôt artiste ou technicienne ?
MT :
Assez tôt, j’avais un réel intérêt pour la 3D et l’animation mais c’est en voyant le travail réalisé par les étudiants en VFX d’une école de cinéma que j’ai découvert le monde des effets spéciaux et décidé que c’était la direction que je voulais prendre.
J’avais définitivement un profil plus artistique à l’époque, le côté technique est venu plus tard, principalement car je pense qu’avoir de meilleurs connaissances techniques permet d’étendre sa créativité, de pousser la qualité visuelle à un niveau supérieur, mais aussi de travailler plus vite, ce qui est primordial dans ce métier.

CF : Comment t’es-tu formée ? Quelles parties as-tu apprise seule et quelle autre en école ?
MT :
J’ai fais une prépa suivie de 3 ans d’études en communication visuelles avec une spécialisation 3D à GraphiCréatis. Pendant mes études, j’ai appris les bases de la 3D, que ce soit la modélisation, le texturing, ou encore l’animation, ainsi que les bases du compositing. Nous utilisions principalement 3DSmax, Photoshop et After Effects.
Dans le milieu professionnel, j’ai appris le matte painting (assembler des images pour créer un nouveau décor) et j’ai eu la chance de travailler avec des artistes seniors et Leads qui m’ont enseigné plein de nouvelles techniques, astuces et nouveaux logiciels. Le domaine des environnements est vaste, demande d’être assez généraliste, d’avoir un esprit logique et de savoir résoudre beaucoup de problèmes.

CF : Que penses-tu qu’il ait manqué dans les écoles que tu as fréquentées ?
MT
: L’industrie des VFX évolue rapidement, les écoles ont parfois du mal à suivre et n’enseignent pas toujours les bons outils pour chaque domaine (vfx, jeu vidéo, animation, etc) ce qui malheureusement peut avoir un gros impact. Quand j’ai commencé ma carrière à MPC, j’ai du redoubler d’efforts pour rattraper les autres juniors car je n’avais pas été formée aux logiciels majoritairement utilisés par les studios. J’ai du faire la transition de 3DSmax à Maya et d’After Effects à Nuke, tout en apprenant de nouveaux logiciels, ajoutés aux outils internes (créés par les développeurs à MPC). On apprend constamment dans cette industrie et ça devient beaucoup plus facile avec le temps et l’expérience, mais lorsque l’on débute, c’est difficile.
Il y a beaucoup à apprendre lorsque l’on entre dans le domaine professionnel, c’est donc utile de connaître au moins les logiciels de base couramment utilisés, pour pouvoir concentrer ses efforts sur le reste et produire le meilleur travail possible.
Le domaine devient également de plus en plus techniques, avec l’expansion de techniques procédurales pour créer des décors plus grands, plus flexibles, plus vite. Je dirais qu’avoir une bonne connaissance de la 3D, avec un peu de maths et de physique, et des bases de programmation peuvent vraiment aider dans la durée.

CF : Comment es-tu entré dans le milieu professionnel ? Quel a été ton premier contrat ?
MT :
En tant qu’étudiante, j’ai fais beaucoup de stages pour gagner de l’expérience professionnelle. Au cours de mes 3 ans d’études post prépa, j’ai été stagiaire dans 3 studios différents, ce qui additionné représente environ 12 mois d’expérience, dont 8 mois dans un petit studio VFX à Paris. Cela m’a permis de monter une demoreel avec des projets professionnels, ce qui est très important pour être embauché par la suite.
Mon premier contrat était en tant que Motion Designer/Infographiste 3D pour un groupe de production audiovisuelle. Le poste était intéressant, mais je voulais vraiment entrer dans le monde des VFX, j’ai donc envoyé des candidatures spontanées dans tous les plus gros studios londoniens, sans vraiment penser qu’on me rappellerai. Environ deux mois plus tard, je recevais une invitation à passer un entretien avec le chef du département 3D DMP (Digital Matte painting)/Environnement de MPC Film, qui m’a par la suite donné le
choix entre un poste de matte painter ou d’artiste environnement junior. J’ai commence en tant que matte painter avant de faire la transition vers un rôle d’artiste environnement peu de temps après. Je continue à faire quelques matte paintings quand il y a besoin.

CF : Est-ce que le fait d’être une femme t’a aidé ou au contraire t’a gêné dans ta carrière jusqu’à maintenant ?
MT :
Je ne pense pas que ça m’ait aide ou gêné dans ma carrière. J’ai été entourée par des managers et chefs de départements ouverts d’esprit, qui m’ont jugée sur mes compétences et non sur le fait que je sois une femme. Mon âge a sûrement été plus un inconvénient, je suis devenue Lead à 25 ans, ce qui était assez jeune, et à l’époque, il était parfois difficile d’être respectée, particulièrement par des artistes plus âgés. Les studios recherchent plus de diversité, je vois de plus en plus de femmes dans les VFX, en particulier dans des rôles de Lead, ce qui était assez rare il y a quelques années, c’est très encourageant!

CF : Qu’en est il de vivre et travailler dans un autre pays?
MT :
J’ai déménagé au Royaume-Uni il y a environ 8 ans, vécu à Los Angeles pendant quelque temps, et je pense que vivre dans un autre pays ouvre l’esprit, permet de vivre une culture différente avec d’autres traditions et manières de penser. C’est toujours un peu compliqué pour s’installer, en particulier du coté administratif et de ce qui est requis d’un pays à l’autre (banque, assurance santé, contrats, impôts, visa, etc…) mais c’est une expérience incroyable.
Mes collègues à Londres sont un melting-pot de différentes nationalités, nous collaborons aussi avec les autres branches de MPC à Berlin, Bangalore et Montréal principalement. C’est fascinant de voir que le domaine des VFX puisse rassembler autant de personnes de différents pays.
Si vous envisagez de déménager à l’étranger, je conseillerais de parler la langue couramment. Bien que l’on s’améliore très certainement en vivant dans le pays, ça peut être extrêmement décourageant de ne pas pouvoir communiquer correctement ou de ne pas comprendre ce que l’on vous dit. Ca peut aussi être un frein dans une carrière.

CF : Comment vois-tu les années à venir professionnellement ?
MT :
C’est une bonne question, entre la croissance des plateformes du type Netflix, Amazon Prime, Disney + ou encore Apple TV qui créent de plus en plus de contenu et la pandémie, l’industrie des VFX a dû changer et s’adapter. De mon coté, ça va être intéressant de voir comment je peux évoluer professionnellement dans ce nouveau contexte. Actuellement, le poste de Lead me plaît car il me permet de continuer à travailler sur des plans tout en introduisant de la gestion de projet, j’apprends encore beaucoup des superviseurs avec leur œil d’aigle et leurs vastes connaissances techniques.

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